Johnny Hallyday: une mine pour les étudiants en droit
Par Christophe Tunica
La Californie, la Californie, la Californie .. Certains se contentent de la chanter, quand d’autres déchantent.
Dans cet État, il est en effet possible de déshériter ses proches. Ou, pour le dire moins crûment, de transmettre son patrimoine à qui l’on veut.
L’héritage de Johnny Hallyday a érigé cette particularité sur le devant de la scène. Beaucoup l’ignoraient : ce n’est pas tous les jours que l’on a l’occasion de se pencher sur les règles de l’héritage – qui plus est élaborées dans le cadre d’une loi étrangère.
Il faut savoir que la réserve héréditaire (la part incompressible à laquelle, en France, nos enfants ont obligatoirement droit) n’existe pas dans tous les pays. Fréquente en Europe sous des formes variables, elle n’existe pas aux États-Unis, en Angleterre… En Californie, il est ainsi possible de déshériter ses enfants sans aucune difficulté.
La Cour de cassation s’est penchée sur la question. Un couple de Français vivant en Californie avait créé un trust familial. Au décès du mari, son épouse a hérité de tous ses biens. Écartés de la succession, les enfants du défunt nés d’une union précédente ont contesté la succession. La Cour dans un arrêt du 27 septembre 2017 a rejeté leur demande. Selon elle, la loi californienne s’applique même si elle ne connaît pas la réserve héréditaire. L’arrêt explique que le couple vivait depuis plus de trente ans en Californie et que, d’autre part, les enfants n’étaient pas dans “une situation de précarité économique ou de besoin.” Il ajoute qu’une loi étrangère “qui ignore la réserve héréditaire, n’est pas en soi contraire à l’ordre public international français”.
La question qui se pose dans la succession de Johnny Hallyday est de savoir quelle est la loi applicable à la succession. Française ou américaine ?
Selon le règlement de l’Union européenne du 4 juillet 2012 entré en vigueur le 17 août 2015, la loi applicable est celle de l’État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment du décès. Simple, en apparence…
De multiples critères pourraient être retenus pour la succession de Johnny Hallyday, notamment les liens avec le pays de résidence, la vie familiale et sociale, mais aussi le lieu de l’activité professionnelle … Bref, une foule de circonstances, d’indices, etc.
Si le juge reconnaissait que la résidence habituelle du chanteur était en Californie, s’appliquerait alors la loi californienne selon laquelle un parent peut ne pas laisser d’héritage à ses enfants. David Hallyday et Laura Smet seraient alors écartés de la succession. Si le juge décidait en l’espèce l’application du droit français, alors Laetitia aurait droit à un quart de la succession et les quatre enfants aux trois quarts.
Mais, par des donations, un testament, les effets de cette répartition peuvent être sensiblement modifiés …
Et pourquoi pas une médiation ?
La force de la médiation est qu’il n’y a ni gagnant ni perdant. L’humain triomphe au cœur de la bataille juridique. C’est à priori, l’issue de cette affaire qui aura quand même fait couler beaucoup d’encre dans les tabloïds mais également parmi les cas d’espèces étudiés dans les facultés de droit…
1 re leçon : Un héritage … et plus
La transmission d’un patrimoine implique non seulement les aspects juridiques et économiques, mais aussi les aspects psychologiques, affectifs et le lien avec le défunt. Beaucoup de gens tombent de haut et se sentent un peu trahis lorsque l’héritage ne répond pas à leurs attentes, ou pire, lorsque leurs parents les privent de leurs droits successoraux par des lois étrangères. Ou, tout simplement, sans aller si loin, ils se sentent évidemment désavantagés par rapport à d’autres.
2 ème leçon : Pour la paix des familles
Pour la tranquillité de la famille, en anticipant sa succession, il est possible de faire en sorte que les héritiers ne se déchirent pas pour l’héritage. Même s’il réside à l’étranger, il est possible pour un Français d’indiquer dans un testament sa volonté que soit appliquée non pas la loi du pays de résidence, mais la loi française (c’est ce que l’on appelle « le choix de loi »). Ce qui, évidemment, passe mieux auprès des héritiers : ils ne se sentent pas trahis, et ne suspectent pas leurs parents de s’installer à l’étranger afin de déséquilibrer la succession, voire les exhéréder.
3 ème leçon : La donation-partage
Dans les familles recomposées, pour éviter les conflits, les mauvaises surprises, rien de tel par exemple que la donation-partage, acte qui réunit l’ensemble des successible du ou des donateur(s) et ainsi établir un dialogue constructif. L’idéal est de trouver de son vivant, avec ses enfants, une solution qui convienne à chacun. Cela évite aux familles de se déchirer.