Qu’est-ce qu’une donation déguisée ?
Par Christophe Tunica
Parce qu’une donation peut être sujette à une taxation ou à des frais d’actes, certains la dissimulent volontairement. On parle alors de « donation déguisée ». Mais quelles formes peut prendre cette donation déguisée, et quelles sont les sanctions encourues si l’administration fiscale découvre le pôt au roses ? Voici tout ce qu’il faut savoir sur le sujet.
Donation déguisée : quelles formes peut-elle prendre ?
Les procédés pour organiser une donation déguisée sont multiples.
Une vente immobilière, par exemple, qui ne donnerait lieu à aucun paiement pourrait être considérée comme une donation déguisée. En effet, la donation d’un bien immobilier à une personne qui n’est pas parent du donateur est soumis à des droits d’enregistrement à un taux d’environ 60 %, alors que la vente de ce même bien, génère des droits d’enregistrement au taux de 8 à 10%…. Ce qui peut rendre tentant le fait de camoufler la donation en vente en exonérant le supposé acquéreur du paiement.
À noter : la vente consentie à un prix dérisoire, et dont le prix est acquitté, sera, elle, en revanche, considérée comme une « donation indirecte » (qui correspond, selon l’article 894 du Code civil à « un acte par lequel le donateur se dépouille actuellement et irrévocablement de la chose donnée en faveur du donataire qui l’accepte »).
De même, dans le cadre successoral, une donation « classique » est tout à fait possible. Elle est alors réputée représenter un « avancement de part successorale » (c’est-à-dire que la donation s’imputera sur la part de l’héritage du bénéficiaire) et elle peut être soumise au paiement de droits de donation, si les abattements sont déjà utilisés et dépassés. Or, une donation déguisée peut aussi parfois servir à contourner ces règles de succession. Tel sera le cas, par exemple, d’une personne ayant des enfants qui donnera, de son vivant (et donc, avant l’ouverture de la succession) ; un bien immobilier à son concubin sans en encaisser le prix. Ce faisant, le donateur, non seulement échappe aux droits de mutation à titre gratuit qui sont plus élevés que les droits de mutation à titre onéreux, mais il réduit aussi la part de ses héritiers réservataires ; ce qui peut être qualifié de recel successoral…
D’autres cas de figure consistent par exemple, à consentir un prêt financier à un enfant, qui, même s’il fait l’objet d’une reconnaissance de dette, n’est jamais remboursé. Il peut aussi arriver que certaines personnes consentent une vente en viager à un héritier en ligne directe, amputant, la part réservataire des descendants ou du conjoint.
Globalement, l’administration fiscale considère les actes ci-après susceptibles d’être qualifiés de donations déguisées :
- Une vente, ou une promesse de vente reposant sur « un prix absent, fictif, ou dérisoire »
- Une reconnaissance de dette portant sur une dette fictive,
- Le transfert d’une part du capital entre associés, alors que le donataire n’a versé qu’un apport fictif,
- Un bail qui ferait état d’un prix soit fictif, soit dérisoire,
- Le transfert non justifié d’une somme d’argent d’un certain montant.
Donation déguisée : quelles sanctions possibles ?
Rappelons tout d’abord que c’est à l’administration fiscale de démontrer que la volonté du vendeur est « de chercher à gratifier l’acheteur de façon trompeuse et délibérée ». Elle va donc devoir établir des présomptions reposant sur des données de fait. Dans certains cas, la donation est réputée valable : la Cour de cassation reconnaît en effet la validité des donations déguisées ; d’une part, si les conditions de forme requises pour l’acte dont elle emprunte l’apparence sont remplies ; et ; d’autre part, si les conditions de fond relatives aux donations sont réunies (capacité de donner, capacité de recevoir)
Si les faits sont établis, l’administration requalifiera la donation en « donation déguisée », et engagera une procédure de redressement, relevant de la « répression des abus de droit ».
Les risques encourus seront alors de plusieurs ordres :
Si, sur le plan civil, une fois la donation déguisée prouvée, n’est pas annulée (le transfert de propriété reste valable) ; le montant de la donation sera tout de même ajouté à l’actif de la succession au moment du décès du donataire. Ainsi, les parts de chacun seront recalculées en conséquence. Le bénéficiaire de la donation déguisée pourra donc être amené à indemniser les héritiers réservataires qui n’auraient pas obtenu leur part minimale d’héritage.
En revanche, au plan fiscal, la donation déguisée est passible de sanctions, à savoir :
- Si l’acte avait pour seul motif la volonté d’échapper du moins en partie, aux droits de donation, l’administration fiscale appliquera les droits de mutation à titre gratuit, exigibles au même titre que pour une donation,
- Elle pourra aussi adjoindre des intérêts de retard,
- Et, enfin, elle pourra aussi appliquer les majorations applicables aux infractions d’ordre fiscal les plus graves ; soit 40 % pour « mauvaise foi » ; et 80 % pour « manœuvres frauduleuses ».