La SARL de famille : à quoi ça sert ?
Par Christophe Tunica
La constitution d’une société à responsabilité limitée (SARL) est recommandée pour faciliter la gestion et la transmission de plusieurs biens immobiliers loués meublés. Elle vous donne la possibilité d’optimiser la transmission de votre patrimoine à vos enfants tout en conservant le contrôle. Et comme il n’est en effet pas possible d’avoir une activité de location meublée dans une SCI (Société civile immobilière) soumise à l’impôt sur le revenu, la SARL de famille peut être utilisée pour les biens loués meublés.
Comment ça fonctionne ?
Vous créez la SARL en accordant une attention particulière à la rédaction des statuts. Les statuts de la société fixent les règles du jeu entre les associés, vis-à-vis des tiers, en cas de décès, etc. c’est pourquoi ils sont importants. Un professionnel peut vous accompagner pour l’élaboration des statuts.
Un gérant de la SARL sera nommé, il aura plus ou moins de pouvoirs de gestion en fonction de ce qui est précisé dans les statuts : il peut même avoir le droit de vendre les biens détenus par la société. Si vous êtes mariés ou pacsés, vous pouvez être cogérants.
Vous pouvez faire l’acquisition de biens locatifs meublés via la SARL ou encore transférer la propriété de biens que vous détenez déjà. Si vous transférez la propriété de vos biens immobiliers à la SARL, 2 options :
- Apport des biens à la SARL
L’apport de l’immeuble à la société déclenche l’imposition de la plus-value (abattements pour durée de détention, taxation à 19 % + prélèvements sociaux à 17,2 %). En revanche, il y a exonération de droits d’enregistrement. Il faudra toutefois constater dans les comptes de la SARL que vous avez fait un apport de la valeur de l’immeuble (conditionnant la répartition du capital social). Cette opération est à privilégier pour vos biens de jouissance (résidence secondaire par exemple). - Cession des biens à la SARL
La vente de l’immeuble à la société déclenche l’imposition de la plus-value (abattements pour durée de détention, taxation à 19 % + prélèvements sociaux à 17,2 %) ET le paiement de droits d’enregistrement pour une valeur de 5 % des biens.
La SARL peut souscrire un prêt bancaire (ou vous lui accordez un prêt sous forme d’un compte courant d’associé) pour acheter les biens. Elle pourra payer les échéances de remboursement (ou vous remboursez les fonds prêtés) grâce aux loyers perçus.
A privilégier pour l’immobilier de rapport qui génèrent des revenus réguliers (loyers).
Fiscalité
La SARL est en principe soumise à l’impôt sur les sociétés. Par exception, elle peut opter pour une imposition à l’impôt sur le revenu lorsque la SARL est formée entre personnes de la même famille (conjoints, partenaires de PACS, enfants, petits-enfants). En optant pour l’impôt sur le revenu les loyers que la SARL perçoit sont imposés, entre les mains de chaque associé à proportion de leur part dans la SARL, au barème de l’impôt sur le revenu et aux prélèvements sociaux (catégorie des Bénéfices industriels et commerciaux : BIC).
Ce n’est pas le loyer encaissé par chaque associé qui est fiscalisé, mais le loyer diminué des charges supportées. A ce titre, chaque associé est imposé selon le régime réel BIC. En effet, la SARL est fiscalement transparente, la déclaration se fait au niveau des associés.
A noter : L’exercice de la location meublée en société est obligatoirement soumis au régime réel. Le régime micro-BIC n’est pas applicable, c’est donc le régime réel BIC qui s’applique : réduction des charges réelles (intérêts d’emprunt, frais d’assurance, taxe foncière) ET Amortissement comptable des constructions et travaux.
L’amortissement comptable, c’est la constatation annuelle de la perte de valeur des composants d’un bien immobilier (fenêtres, toiture, façade, etc.) du fait de l’usure ou du temps. Il permet de déduire une charge « fictive » (= correspondant à la dégradation de l’immeuble) des loyers encaissés) sans impact sur la trésorerie.
Pourquoi la SARL vous permet de réduire le coût de la transmission ?
- Si la société s’est endettée pour acheter le(s) bien(s), elle dispose d’un passif important qui vient réduire la valeur des parts sociales. Il est donc moins cher de transmettre les parts sociales de la SARL que l’immeuble directement.
- En donnant seulement la nue-propriété des parts sociales à vos enfants, les droits de donation seront moins importants car calculés sur une base moins importante (celle de la nue-propriété). Lors de votre disparition, vos enfants deviendront plein propriétaire de tout le patrimoine immobilier de la SARL sans payer d’impôt supplémentaire sur la valeur de l’usufruit.
Dans tous les cas, un abattement de 100 000 € est appliqué sur la valeur donnée (entre parent et enfant, utilisable tous les 15 ans).
Points de vigilance
La SARL impose des contraintes de gestion : tenue de comptabilité, assemblée générale annuelle. Chaque année, dans les 6 mois de la clôture de l’exercice, vous devrez en tant que gérant, présenter les comptes pour approbation par l’assemblée des associés.
La location meublée au travers d’une société ne vous exempte pas de réaliser toutes les démarches administratives identiques à une activité en direct.
Si la SARL souscrit un crédit bancaire pour financer son acquisition, vous devrez avoir l’autorisation de la banque pour faire donation des parts de la SARL.
La SARL de famille vous permet de détenir les biens à plusieurs sans les soucis de l’indivision. L’indivision impose que les décisions les plus importantes soient prises à l’unanimité, ce qui, en cas de désaccord, peut vite entraîner des situations de blocage. A l’inverse, les statuts de la SARL doivent justement prévoir comment éviter les situations de blocage.
Combien ça coute ?
La constitution d’une SARL a toutefois un coût non négligeable. Il faut compter près de 2 000 € pour la création et la mise en place par un professionnel (notaire, avocat, etc.). Il faudra aussi évaluer la fiscalité liée à l’acquisition ou l’apport du bien.
A cela s’ajoute les frais de comptabilité et de suivi juridique, de l’ordre de 700 à 800 € par an (sous réserve du nombre de biens).
Si vous envisagez une donation des parts sociales, cela aura également un coût (frais + fiscalité éventuelle).
Mise en place
- Création de la SARL : rédaction des statuts, nomination du gérant, enregistrement, etc. ;
- Transfert d’un bien : acquisition de biens immobiliers, apport ou vente (emprunt bancaire) des biens immobiliers à la SARL ;
- Donation des parts : donation de la nue-propriétté des parts sociales à vos enfants
Avantages/inconvénients
- Avantages
Faire de la location meublée en société ;
Anticiper la transmission de votre patrimoine + économie de la fiscalité de la donation ;
Eviter l’indivision entre des enfants. - Inconvénients
Frais de constitution et de suivi annuel ;
Nécessité d’un fonctionnement réel de la société ;
Régime micro-BIC non applicable à la SARL de famille
Exemple
Sandrine et Maxime sont mariés sous le régime de la communauté. Ils ont 3 enfants. Ils possèdent plusieurs biens immobiliers locatifs meublés de différentes valeurs, situés un peu partout en France. Ils voudraient organiser la transmission de leur patrimoine à leurs 3 enfants.
S’ils donnent la nue-propriété de leurs biens locatifs meublés à leurs 3 enfants, ils seront en démembrement et en indivision (parents usufruitiers, enfants nus propriétaires) et devront être d’accords pour vendre les biens par exemple. Au décès de Sandrine et Maxime, les enfants seront pleins propriétaires en indivision et devront être d’accords pour toute décision sur la gestion des biens locatifs (entrée/sortie des locataires, vote lors des assemblées générales de copropriétaires, etc.).
S’ils apportent les biens à une SARL puis donnent la nue-propriété des parts à leurs 3 enfants, Sandrine et Maxime, co-gérants de la SARL conserveront le pouvoir de décision sur les biens (ils pourraient les vendre sans avoir à demander l’accord de leurs enfants). Au décès de Sandrine et Maxime, les enfants seront pleins propriétaires des parts de la SARL, seule la majorité sera nécessaire (2 enfants d’accords) pour toute décision sur la gestion des biens locatifs. Un seul des enfants pourrait être nommé gérant et il s’occuperait de la gestion.