Simplification du régime fiscal des crypto-monnaies
Par Christophe Tunica
Un personnage de jeux vidéo, un collage d’images numériques, une carte à collectionner, ou encore un gif coloré… Autant de nouvelles « œuvres d’art » susceptibles de s’arracher à prix d’or sur le marché des NFT. Ces unités d’actifs numériques uniques, qui ne peuvent pas être reproduites ; déchaînent les passions depuis quelques temps.
Elles attirent les investisseurs en cryptoactifs, aguerris ou non, et leurs prix connaissent une croissance impressionnante. Que dois-t-on en penser ? L’engouement que suscite le phénomène sera-t-il aussi éphémère qu’il est colossal, ou bien les NFT constituent-ils de réels nouveaux actifs patrimoniaux, en passe de révolutionner le marché de l’art ? Ces œuvres virtuelles pourraient-elles être intégrées à un patrimoine, en vue d’investir et d’assurer votre fortune sur plusieurs générations… ? Essayons d’y voir un peu plus clair.
NFT, de quoi parle-t-on exactement ?
Les NFT (non fongibles token) ont vu le jour en 2014.
Ce sont des actifs numériques créés et échangés, tout comme les crypto- monnaies, via un système de blockchain. Par contre, contrairement à leurs monnaies d’échange (le Bitcoin, ou l’éthers) qui sont interchangeables, les NFT, elles, ne le sont pas. Elles représentent en effet une unité d’actif numérique qui ne peut être similaire à aucune autre, et ne peut, non plus, être reproduite. Son originalité et son unicité sont par ailleurs garanties.
Posséder un « token non fongible » sur une blockchain, revient donc à détenir le titre de propriété et le certificat d’authenticité d’un actif – ou d’une partie de cet actif – qui se présente sous la forme d’un code numérique sécurisé, infalsifiable et traçable. Au registre des NFT les plus surprenantes, citons par exemple le premier tweet de l’histoire, ou bien le code source qui est à l’origine du web…
NFT, une démocratisation du marché de l’art
Le marché des NFT connait depuis quelques années un essor considérable : il est passé, selon l’agence de presse Reuters – de 40 à 338 millions de dollars entre 2018 et 2020, puis a encore été dopé durant les différents confinements, à la faveur de la fermeture des musées.
Le marché des NFT génère ainsi, à l’heure actuelle, plus de 10 millions de dollars d’échanges quotidiens à travers le monde, dans des galeries d’art virtuelles. Grace aux jetons non fongibles, l’art n’est plus l’apanage des grands collectionneurs…
Tout un chacun peut acquérir et revendre une œuvre unique et authentifiée, en seulement quelques clics, et en réduisant drastiquement le nombre d’intermédiaires. Les transactions sont opérées en cryptomonnaies de façon immédiate, et décentralisées.
NFT, un cadre fiscal encore flou
En l’absence de qualification juridique du NFT, le régime fiscal applicable qui lui est appliqué est assez flou. Le député Pierre Person a tenté de remédier à la situation en France, en déposant une série d’amendements au projet de loi de finances pour 2022, visant, notamment à proposer une définition et une qualification juridique au NFT.
Mais l’amendement ayant été rejeté, la qualification des NFT, continue à être incertaine, tout comme, par son conséquent, son régime fiscal… Ce dernier peut en effet être celui des actifs numériques, celui des œuvres d’art, ou encore celui des biens meubles incorporels, en fonction de ce à quoi est assimilé le jeton.
La loi PACTE du 22 mai 2019 avait pour objet d’encadrer les levées de fonds en crypto-actifs et de créer un régime français des offres de jetons numériques enregistrés sur une blockchain comme nouveau mode de financement et d’investissement des entreprises. Le texte tendait à assimiler les NFT à des actifs numériques, mais là encore, le flou demeure…
Pour les opérateurs de transactions (achat ou cessions) via une plateforme dédiée (telles, par exemple, que OpenSea, Hic et Nunc, ou encore SuperRare…), la situation est, elle aussi à géométrie variable… L’imposition des bénéfices générés par une plateforme de NFT dépend en effet de la structure sociale qui a été créée pour exploiter son activité (SAS/SASU, SARL/EURL, auto entreprise, etc.). Le régime d’imposition du bénéfice est donc différent selon que la plateforme ait opté, soit pour l’IS (impôt sur les sociétés), soit pour l’IR (impôt sur le revenu).
Quelle place pour les NFT dans une stratégie d’investissement patrimoniale ?
Compte tenu de la place grandissante qu’ils occupent dans le paysage financier, les NFT, tout comme les crypto-monnaie, ne peuvent plus être ignorés. Les NFT permettent assurément de faire des « bons coups » exceptionnels ; certaines « œuvres » étant susceptibles d’atteindre des prix improbables allant jusqu’à 7, voire même 8 chiffres… Dans le Top 3 des transactions les plus retentissantes, on trouve par exemple :
- “Everydays: The First 5000 Days” de Beeple, vendu 69,3 millions de dollars,
- CryptoPunk 7523 de Larva Labs, 11,75 millions de dollars,
- Ou encore CryptoPunk 3100 de Larva Labs, 7,58 millions de dollars.
Le revers de la médaille, bien sûr, c’est que tout ce qui, sur le marché de l’investissement, est susceptible d’atteindre des sommets, est aussi inévitablement plus risqué. Par ailleurs, le marché jeune et immature des NFT est encore loin d’être parfait …. Ne serait-ce pas une bulle spéculative pouvant exploser à tout moment ? Par ailleurs, outre le flou fiscal évoqué plus haut, le système des NFT pose aussi des questions sur différents plans :
- La rentabilité à moyen et long terme : valeurs intrinsèques incertaines, liquidités très peu assurées, « œuvres » qui restent dans le portefeuille de leur détenteur sans jamais trouver preneur…,
- La sécurité : détournement du portefeuille numérique par un hacker, pérennité des cryptomonnaies dans lesquelles s’opèrent les transactions… ?
- L’écologie : technologies de fabrication des NFT et de transactions très énergivores.
Tous ces paramètres invitent à la prudence…
Les investisseurs qui veulent se lancer dans une stratégie d’investissement au risque mesuré, ne peuvent concevoir, pour l’heure, les NFT que comme une (légère) proportion de diversification de leur portefeuille. Ne pas tout parier sur les NFT revient à ne pas mettre ses œufs dans le même panier… Un concept ancestral ; issu du pur bon sens, qui permet de réduire les risques de ses placements, et de dynamiser le rendement de ses différents actifs.